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Egalité professionnelle : faut-il une nouvelle loi d’envergure ?

Social - Fonction rh et grh, Formation, emploi et restructurations
13/02/2018
Alors que le débat sur l'opportunité d'une nouvelle loi en matière d'égalité professionnelle hommes-femmes bat son plein, François Alambret, counsel au sein du cabinet Bryan Cave, estime que les droits effectifs pour les femmes passent par des mesures ciblées sur le terrain… loin du Parlement.
Est-ce le moment d’une nouvelle loi Roudy, du nom de la ministre des Droits de la femme qui la fit voter – symboliquement - le 13 juillet 1983 ? Certains posent la question dans l’impulsion que suscite la nouvelle présidence de la République depuis le printemps 2017. La réponse n’est toutefois pas évidente.
Depuis quarante ans, le droit positif français a été profondément bouleversé pour permettre la mise en œuvre réelle de l’égalité hommes-femmes dans le monde du travail. Ainsi, le Code du travail transpose-t-il le principe d’égalité de traitement consacré par la directive européenne n°76/207/CE du 9 février 1976 et prohibe toute discrimination à ce titre (articles L.1131-1, L.3221-2 et titre quatrième du livre I du code précité).
De façon plus novatrice, depuis l’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, le principe d’une discrimination dite « positive » est autorisé par le code du travail qui admet des « mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l’égalité des chances » (article L.1142-4 du code précité).

Principe d’égalité de traitement

Dix ans après, la licéité de telles mesures a été validée par la Cour de cassation qui retient que « (l’avantage concédé) vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes » (Cass.soc., 12 juillet 2017 n°15-26.262). Etrangement, les salariées et leurs représentants se saisissent peu de ce principe d’égalité de traitement. Les organisations syndicales se mobilisent faiblement à ce sujet (les cinq principales centrales syndicales, toutes représentées par des hommes, doivent-elles y réfléchir ?).
A titre de comparaison, on rappellera la bataille qu’elles ont orchestrée, il y a une vingtaine d’années, afin de faire reconnaitre les inégalités d’évolutions de carrière de leurs délégués (conduisant à la conclusion d’accords collectifs de rattrapage de carrières comme celui signé par le groupe Peugeot le 15 septembre 1998).
De façon individuelle aussi, les salariées portent rarement ce type de revendication devant la justice et le Défenseur des droits est peu saisi de telles demandes (moins de 5% des sollicitations, loin derrière l’origine ou l’état de santé des plaignants).

Postes de direction

Les intéressées ont, peut-être, déjà anticipé d’autres enjeux, plus cruciaux, qu’une parfaite égalité de traitement sur les postes qu’elles occupent déjà. Leurs regards se tournent vers les postes de direction au sein desquels elles sont encore sous représentées et qui constituent de vrais leviers de changement. La loi Copé-Zimmermann du 27 janvier 2011 a instauré des quotas dans les conseils d’administration des sociétés cotées (augmentation graduelle de 2011 à 2020 pour atteindre 40 % de représentantes au conseil d’administration). Les résultats positifs de ces mesures sont spectaculaires (comme pour tous les pays européens qui ont mis en place ces quotas et ont dépassé les seules déclarations d’intention).

Dans les sociétés non cotées, selon un dispositif juridique plus conventionnel, les articles L.2242-13 et suivants du Code du travail imposent à toutes les sociétés de plus de 50 salariés de négocier un accord collectif ou de mettre en place un plan d’action sur l’égalité hommes/femmes dans l’entreprise (les partenaires sociaux sont alors libres d’adopter les mesures correctrices de leur choix). Toutefois, plus de la moitié des entreprises en France cumulent un effectif de moins de cinquante salariés et ne sont donc pas soumises à cette obligation de négociation. Et, dans les entreprises regroupant entre 50 et 300 salariés, seule une entreprise sur deux est dotée d’un comité d’entreprise (rebaptisé « comité social et économique ») encore moins d’un délégué syndical.

Freins structurels
 
Voilà des freins structurels, anciens et connus, à la négociation sur l’égalité professionnelle hommes-femmes et à leur promotion aux postes clefs de l’entreprise. Et les actions pour y remédier sont de long terme : moyens de l’inspection du travail, pédagogie sur l’utilité du comité social et économique au sein des PME, flexibilité de la négociation d’entreprise, consultation directe des salariés. On retrouve une grande partie de ces préoccupations dans les propos de la ministre du Travail, Madame Muriel Pénicaud. Plus qu’un autre, elle sait que les droits effectifs pour une femme passent par des mesures ciblées sur le terrain… loin du Parlement.

François Alambret, counsel au sein du cabinet Bryan Cave
 
 
Source : Actualités du droit