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Débat feutré au Cese pour les six candidats à la présidence du Medef

Social - IRP et relations collectives
01/06/2018
A l'invitation de l'Institut de l’entreprise, les six candidats à la présidence du Medef étaient conviés hier au Conseil économique social et environnemental (Cese) à un débat public.

L’hémicycle du Conseil économique social et environnemental (Cese) qui pendant les premières années du magistère de François Hollande avait coutume d’accueillir la conférence sociale s’est mué hier en une sorte de conférence patronale à l’initiative du think tank l'Institut de l’entreprise. Opération transparence avec pour la première fois à notre connaissance les candidats à la présidence du Medef réunis dans un débat public devant un parterre de journalistes et de chefs d’entreprise. Et ce à quelques semaines du scrutin prévu le 3 juillet prochain. Dommage toutefois qu’après une petite heure de débat (sur les deux heures prévues), trois candidats devaient quitter les lieux pour se rendre à Nancy battre la campagne devant les adhérents.

Qui succèdera à Pierre Gattaz dont le mandat de cinq ans arrive à échéance ? Hier, les six prétendants - Alexandre Saubot, et Geoffroy Roux de Bézieux, présentés comme les deux grands favoris, Frédéric Motte, président du Medef Hauts-de-France, Olivier Klotz, du Medef Alsace, Patrick Martin, à la tête du Medef Auvergne-Rhône-Alpes, et la seule femme candidate, Dominique Carlac'h -, ont joué tranquillement leur partition en prenant soin de ne pas apparaître clivant. Point de prise de bec ou d’envolée lyrique, mais des prises de position assez prévisibles. Une ambiance feutrée donc, presque froide, accentuée par la configuration des lieux – des candidats alignés par trois puis séparés par le perchoir – et l’absence d’échanges entre les postulants eux-mêmes.

Destruction créatrice

Candidat malheureux en 2013, Geoffroy Roux de Bézieux, 55 ans, veut cette fois croire en sa bonne étoile. La révolution numérique va bien finir par le porter à la présidence du Medef. « Je suis entrepreneur depuis l’âge de 33 ans dans les nouvelles technologies. Aujourd’hui, les Français ont peur de ces changements. Le nouveau rôle du Medef est d’éclairer l’avenir et d’accompagner les mutations du travail », a-t-il indiqué. Celui qui dirige aujourd’hui Notus Technologies, qui détient notamment l’huile d’olive haut de gamme Oliviers and Co, s’est dit aussi frappé par la défaite, en mars 2016, du champion du mode du jeu de Go par l’intelligence artificielle.
Prônant une baisse drastique des impôts sur les sociétés, il plaide pour un paritarisme renouvelé capable de dresser un diagnostic partagé sur les mutations de l’emploi. Il épouse la thèse de la destruction créatrice de l’économiste Joseph Schumpeter, persuadé que les emplois détruits par le progrès technique seront compensés par d’autres nouvellement créés grâce à la transformation numérique des entreprises.

Compétitivité des entreprises

Son concurrent le plus sérieux, Alexandre Saubot (53 ans), poids lourd du Medef qui dirigeait la très influente fédération de la métallurgie (UIMM), a défendu une ligne consensuelle. « Les entreprises doivent jouer leur rôle dans la défense du vivre ensemble », a affirmé l’ancien responsable du pôle social du Medef, qui vient de recevoir le soutien de plusieurs grandes fédérations – outre l’UIMM, les banques et les travaux publics ont appelé à voter pour lui. Alexandre Saubot entend placer le sujet de la compétitivité des entreprises et du coût du travail au cœur de son mandat. Il souhaite également achever le chantier de la formation professionnelle et repenser le partage de la valeur entre capital et travail.

Légèrement plus revendicative, l’ex-sportive de haut niveau et seule femme en lice, Dominique Carlac'h (49 ans) souhaite faire table rase du « Medef de combat » incarné par Pierre Gataz. « Face à un exécutif agile qui change de méthode, le Medef doit se transformer », dit-elle. Réclamant un partage de la décision avant toute réforme, elle a regretté le « rendez-vous manqué de l’objet social de l’entreprise » tel que défini dans le projet de loi Pacte.

L’un des rares candidats à avoir souligné l’importance du dialogue social, - au bout d’une heure de débat -, Frédéric Motte (53 ans), élu local nordiste, chef d’entreprise et patron du Medef Hauts-de-France, a aussi réaffirmé la place des corps intermédiaires dans le pays, « des accélérateurs du changement ». Se définissant comme un fin connaisseur des préoccupations des PME et des grands groupes en tant que dirigeant d’une fédération de 16 entreprises de sous-traitance industrielle, il veut voir dans le futur président du Medef un homme qui rassemble la communauté des chefs d’entreprise.

Renforcer le lobbying patronal

Tout aussi enclin à faire du Medef un lieu de convergence et d’unité patronale, Patrick Martin (57 ans), PDG du groupe familial Martin-Belaysoud Expansion et patron du Medef Auvergne-Rhône-Alpes, ambitionne de construire un Medef « utile » au pays pour faire face aux tentatives protectionnistes et pour aider les territoires.

Le plus europhile des prétendants, l’Alsacien Olivier Klotz (56 ans), directeur général de Heuft France, filiale d’un groupe allemand spécialisé dans l’équipement agroalimentaire, veut, s’il est élu, négocier avec le gouvernement un pacte de stabilité réglementaire et renforcer le lobbying patronal à Bruxelles. Sur les sujets de l’égalité professionnelle, de la diversité ou du partage de la valeur ajoutée, il reconnait que des efforts doivent être accomplis mais sans nouvelles dispositions coercitives et en laissant les chefs d’entreprise décider ce qui est le mieux pour leur société et leurs salariés. Convaincu que « la solution c’est l’entreprise », il défend une sortie progressive du paritarisme de gestion, notamment en matière de protection sociale, et entend redéfinir le rôle des syndicats dans les branches et au niveau interprofessionnel.

Après un vote consultatif du conseil exécutif de l’organisation patronale le 11 juin, les 560 membres votants de l’assemblée générale de Medef éliront le successeur de Pierre Gattaz le 3 juillet prochain.

Source : Actualités du droit