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Les entreprises ont une connaissance encore « floue » des ordonnances Macron

Social - IRP et relations collectives, Fonction rh et grh, Formation, emploi et restructurations
02/07/2018
Des ordonnances pas encore entièrement maîtrisées, une faible dynamique de négociation, une mise en place très progressive du CSE… Tels sont les enseignements tirés par le comité d’évaluation des ordonnances Macron dans une note publiée le 26 juin 2018, d’un sondage réalisé par le CSA auprès de dirigeants d’entreprises et de représentants du personnel, d’une enquête de l’ANDRH menée auprès de ses adhérents, ainsi que d’auditions de six branches professionnelles et d’experts.
Sandrine Cazes, Marcel Grignard et Jean-François Pilliard, coprésidents du comité d’évaluation des ordonnances Macron, ont dévoilé, le 26 juin 2018, les premiers résultats des travaux destinés à suivre la mise en œuvre de la réforme dans les branches et les entreprises, ainsi que son appropriation par les acteurs concernés : dirigeants d’entreprises, représentants de salariés, responsables patronaux et syndicats de branches.
Ces résultats, présentés en séance le 22 juin, sont le fruit des auditions par les coprésidents des responsables de six branches professionnelles et d’experts, ainsi que d’un sondage réalisé par le CSA entre mai et juin pour France Stratégie et réalisé auprès de 605 dirigeants d’entreprises de 11 à 300 salariés et de 703 représentants du personnel. Ce sondage est complété par une enquête de l’ANDRH menée entre avril et juin auprès de 332 de ses adhérents. Il ressort de ces différents travaux, selon le comité d’évaluation, que les entreprises s’avèrent relativement mitigées quant au réel impact des ordonnances Macron sur leurs pratiques, et alertent sur quelques « points de vigilance ».
 
Connaissance encore limitée des ordonnances
 
D’après le comité d’évaluation, « le contenu des ordonnances est dans l’ensemble connu mais reste encore flou », notamment dans les petites entreprises. Le sondage réalisé par le CSA montre en effet que seulement 37 % des dirigeants d’entreprises (de 11 à 300 salariés) voient « bien de quoi il s’agit », et que 44 % les connaissent mais sans voir « précisément de quoi il s’agit ». Côté représentants du personnel, les résultats sont respectivement de 18 % et 45 % dans les entreprises de moins de 20 salariés ; cette proportion est inversée dans celles de plus de 300 salariés, avec 54 % et 38 %.
 
Certaines mesures sont mieux connues que d’autres. Ainsi, l’attention des dirigeants d’entreprises et représentants du personnel s’est principalement portée sur les mesures relatives : à la rupture des contrats de travail (plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif, rupture conventionnelle collective, formalités simplifiées dans le cadre du licenciement) ; aux possibilités de négocier avec un salarié mandaté ou élu en l’absence d’un délégué syndical ; au remplacement des instances des représentants du personnel par le comité social et économique (CSE).
 
De leur côté, les DRH estiment avoir également une bonne connaissance des dispositions relatives au télétravail. En revanche, les dispositions des ordonnances sur le champ nouveau de la négociation collective d’entreprise et sur les sujets réservés aux branches sont moins connues par les dirigeants d’entreprises et les représentants du personnel. La connaissance des DRH est très faible s’agissant des accords congé de mobilité et de performance collective.
 
Quel impact sur l’emploi et le climat social dans les entreprises ?
 
Le sondage réalisé par le CSA révèle que les dirigeants d’entreprises anticipent un impact non négligeable des ordonnances sur l’emploi. Ainsi, pour 48 % d’entre eux, les textes permettent de simplifier les procédures de licenciement, et 30 % de recruter plus facilement en CDI. Côté DRH, selon l’enquête ANDRH, même constat : ils sont largement majoritaires à considérer que les ordonnances simplifient les procédures de licenciement, mais peu nombreux pour dire qu’elles permettent de recruter plus facilement.
Plus généralement, du fait d’un climat social jugé plutôt bon, 64 % des dirigeants d’entreprises (de moins de 300 salariés) n’imaginent pas un changement de leurs pratiques du fait des ordonnances. Parallèlement, près des trois quarts estiment que les textes n’auront pas d’impact sur le climat social de l’entreprise, et dans deux cas sur trois pour les DRH.
 
Faible dynamique de négociation
 
D’après le sondage réalisé par le CSA, plus de la majorité des dirigeants d’entreprises (61 %) n’ont pas l’intention de recourir plus souvent, en priorité, à la négociation d’accords, « parce qu’ils n’ont pas identifié de besoin ou ont d’autres priorités ». L’opinion est plus partagée pour les DRH : l’enquête ANDRH montre qu’ils sont une minorité seulement à penser que les ordonnances ne changeront pas leurs pratiques de dialogue social.
Du côté des partenaires sociaux de branche, l’avis est unanime : leurs auditions ont révélé que « tous considèrent que les ordonnances vont modifier profondément la manière d’aborder le dialogue social tant pour l’entreprise et le management que pour les représentants du personnel, tant au niveau des branches que des entreprises ». S’il y a négociation, les thèmes de prédilection des dirigeants d’entreprises se concentrent sur le temps de travail, les éléments de rémunération, et les accords de performance collective. Côté branches professionnelles, le souhait de négociation se porte sur les modalités de recours aux CDD, les délais de carence, et le recours aux contrats de chantier.
 
Lente mise en place du CSE
 
Tant au niveau des entreprises que des branches, la mise en place du CSE est au centre des préoccupations. Elle est déjà effective ou prévue d’ici fin 2019 pour 23 % des dirigeants d’entreprises de moins de 50 salariés et pour 77 % dans les plus grandes entreprises. Quant aux directeurs des ressources humaines, ils sont un sur cinq à déclarer que la mise en place du comité est déjà réalisée ou en cours dans leur entreprise, et la moitié qu’elle est prévue pour 2019. Cependant, il ressort de l’enquête ANDRH que lorsqu’elle est facultative (dans les entreprises de moins de 300 salariés), la création d’une commission santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) est rarement envisagée (23 %), tout comme celle de représentants de proximité (5 %). Cette proportion est plus élevée dans les plus grandes entreprises. Le sondage réalisé par le CSA montre que les représentants du personnel sont 45 % à avoir engagé des discussions sur la création d’une commission SSCT dans les entreprises de 50 à 300 salariés. 47 % déclarent souhaiter la mise en place de représentants de proximité dans les entreprises de plus de 300 salariés. D’après le comité d’évaluation, la mise en place des CSE génère « quelques points sensibles » : risque d’une perte de proximité du comité avec le terrain, dégradation de la sécurité et des conditions de travail avec la disparition du CHSCT, question de la formation et du parcours des élus et représentants, ainsi que des moyens mis à leur disposition.
 
Points de vigilance
 
Les trois coprésidents interpellent sur certains « points de vigilance » tirés des auditions des branches et experts : l’articulation branches/entreprises, aux conséquences variables selon la nature de la branche ; le cas spécifique des branches dont les entreprises exercent leurs activités au sein d’entreprises clientes (propreté, sécurité, intérim, conseil, etc.), et sur lesquelles l’application des ordonnances risque d’avoir des conséquences en termes de concurrence sociale et de complexité de gestion des statuts des salariés ; le nouveau rôle de la branche sur les règles de recours aux CDD ; des TPE peu outillées pour appréhender les enjeux de la réforme et mettre en œuvre leurs nouvelles prérogatives, se reposant pour beaucoup sur les experts-comptables et conseils juridiques. Une note d’étape, qui sera publiée à la fin de l’année 2018, devra faire la synthèse de ces travaux.
Source : Actualités du droit