L’APPREHENSION DU HARCELEMENT SEXUEL PAR LE DROIT DU TRAVAIL

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Dès octobre 2017, les vagues #MeToo et #BalanceTonPorc submergeaient bien au-delà des réseaux sociaux et du monde du cinéma.

Ce mouvement a permis a minima à chaque individu d’interroger son vécu pour savoir s’il ou elle avait été victime et/ou auteur d’agissements susceptibles de s’apparenter à du harcèlement sexuel.

La sphère professionnelle n’est évidemment pas épargnée par ces agissements puisqu’en 2019, près d’une Française sur trois (30%) indiquait avoir déjà été harcelée ou agressée sexuellement sur son lieu de travail au sens juridique du terme (sondage IFOP).

Cette étude révèle également que les femmes actives sont loin d’être toutes exposées au même niveau de sexisme ou de harcèlement sexuel dans leur environnement professionnel.

Ainsi, les salariées s’y avèrent d’autant plus exposées qu’elles sont jeunes, urbaines, discriminées pour leur orientation sexuelle ou leur religion, déjà victimes de violences sexuelles, employées dans un environnement de travail masculin ou forcées à porter des tenues montrant leurs formes, leur poitrine ou leurs jambes.

Ces dernières années, la France a renforcé quelque peu son arsenal législatif pour appréhender le harcèlement sexuel en entreprise.

Encore faut-il que les salarié.e.s, comme les employeurs, osent s’en emparer !

Le savoir étant le pouvoir, voici quelques rappels sur l’appréhension de la notion de harcèlement sexuel par le droit du travail.


Livre ouvert avec un remplissage uni

Comment le code du travail définit le harcèlement sexuel ?


L'article L.1153-1 du Code du travail donne une définition claire et précise du harcèlement sexuel.

Il découle de cette définition deux types d’agissements susceptibles d’être qualifiés de harcèlement sexuel dans l’entreprise :

  • Premier type : les propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexistes répétés et non désirés ;
  • Deuxième type : La pression grave de nature à obtenir un acte de nature sexuel (dit harcèlement sexuel assimilé).
En pratique, le deuxième type de harcèlement est relativement aisé à identifier : il s’agit d’un abus d’autorité, concrétisé par des menaces sur les conditions de travail, des actes de chantage à la promotion ou au licenciement, pour obtenir des actes sexuels.

En revanche, le premier type peut paraitre plus complexe à appréhender. Il regroupe un ensemble de propos ou comportements qui, du fait de leur caractère répété, insistant et non désiré, créent un climat intimidant, outrageant, ceci même sans l’expression de menaces évidentes.

A titre d’exemple, peuvent laisser présumer l’existence d’un harcèlement sexuel :
  • des propos et/ou plaisanteries obscènes, grivoises ;
  • des propos familiers à connotation sexuelle ou sexiste ;
  • Une mise en évidence de textes, images, vidéos, objets à caractère sexuel ou pornographique ;
  • Des regards insistants, sifflements ;
  • Des actes sexuels mimés, jeux de langue ;
  • Des remarques sur le physique ou la tenue ;
  • Des contacts physiques non désirés etc..
A contrario, il se dégage de la jurisprudence actuelle, que, le seul fait de courtiser ou vouloir séduire une personne sur son lieu de travail ne constitue pas, en soi, un agissement de harcèlement sexuel dès lors que la personne cesse immédiatement face au refus ou au silence de la personne courtisée (CA Dijon 17-12-2009 n° 09-283, ch. soc., SARL C. c/ B.).

De même, le harcèlement sexuel ne semble pas devoir être retenu s’agissant d’un jeu de séduction réciproque (Cass. soc., 25 sept. 2019, n° 17-31.171).

Appareil photo avec un remplissage uni
Comment peut-on prouver le harcèlement sexuel ?

L’article L. 1154-1 du Code du travail dispose qu’il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

La preuve étant libre, tous les moyens de preuve classiques sont admis. Les modes de preuves les plus courants en pratique sont les témoignages de collègues de travail, les SMS, les courriels ou encore les messages sur les réseaux sociaux tel Facebook etc.

Jusqu’à très récemment, les enregistrements audios ou vidéos réalisés de manière clandestine, n’étaient pas recevables comme mode de preuve devant les juridictions prud’homales.

Désormais , la Chambre sociale de la Cour de cassation admet que « l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 novembre 2020, 17-19.523).

Une telle jurisprudence ouvre de nouvelles perspectives pour les victimes de harcèlement sexuel.

Document avec un remplissage uni
Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de prévention des agissements de harcèlement sexuel ?


L’employeur est tenu à une obligation de protection de la santé de ses salariés : en particulier, « L’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner » (Article L 1153-5 du Code du travail).

A titre préventif, l’employeur est tenu à plusieurs obligations précises pour tenter de prévenir les agissements de harcèlement sexuel :
  • Informations des salariés (affichages, règlement intérieur etc) sur les définitions (du code pénal et du code du travail) du harcèlement sexuel et sur les actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents (Articles L 1153-5, L1321-2 et D1151-1 du Code du travail) ;
  • Désignation par le CSE d'une personne référente en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Panneau d’interdiction avec un remplissage uni
Comment l’employeur doit-il réagir face à une dénonciation d’agissements de harcèlement sexuel ?

Compte-tenu des obligations incombant à l’employeur, il ne doit pas rester inerte face à une telle dénonciation et prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements et d’en sanctionner les auteurs.

Il lui appartient de :
  • Déterminer si lesdits agissements constituent bien des actes de harcèlement sexuel, en obtenant de plus amples précisions sur les faits dénoncés en mettant en place une enquête ;
  • Ne pas laisser la situation dégénérer, et d’y mettre un terme ;
  • Sanctionner, le cas échéant, les coupables.


Balance de la justice avec un remplissage uni
Quelles sont les sanctions encourues par la personne coupable d’agissements de harcèlement sexuel ?


Lorsque l’auteur des agissements est membre du personnel de l’entreprise, l’employeur doit le sanctionner.

La chambre sociale de la Cour de cassation affirme depuis 2002 que les faits de harcèlement sexuel sont constitutifs d’une faute grave justifiant un licenciement de l’auteur (Cass. soc., 5 mars 2002, n° 00-40.717, n° 877 FS - P + B).

Par ailleurs, rappelons que le harcèlement sexuel est un délit pénal passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant atteindre 30 000 euros. Le juge peut prononcer des peines complémentaires. En cas de harcèlement sexuel avec circonstance aggravante, l’auteur encourt jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.
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Verrou avec un remplissage uni
Comment les victimes et témoins d’agissements de harcèlement sexuel sont protégées ?


Les dispositions du Code du travail organisent la protection des victimes de faits de harcèlement sexuel, des personnes ayant fait l’objet de discrimination à la suite de tels faits, et de celles qui ont témoigné de ces faits ou les ont relatés.

Ces personnes ne peuvent en effet faire l’objet de mesures telles qu’une mise à l’écart d’une procédure de recrutement, de l’accès à un stage ou à une période de formation, licenciement, sanctions, discrimination en matière de rémunération, de formation, etc., et des mesures dites de « représailles ».

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