Le télétravail : Une pratique en plein essor qu'il convient d'encadrer juridiquement
-Le recours au télétravail ou travail en « remote » est en plein essor dans les entreprises de droit privé[i].
Et pour cause, il présente, pour les salariés, de nombreux avantages : suppression des temps de trajets, et des nuisances liées à un environnement de travail parfois bruyant et anxiogène et meilleure conciliation de la vie professionnelle et personnelle.
L’employeur y trouve également son compte puisqu’un salarié plus épanoui et concentré sera plus motivé et efficace. Le télétravail évite aussi les retards et prévient l’absentéisme. La productivité s’en trouve en conséquence améliorée.
Sur la plan collectif, le télétravail présente globalement un impact sociétal et environnemental positif et constitue un argument de recrutement et de rétention des talents, surtout au sein de la génération Y.
Toutefois, cette pratique peut heurter les méthodes de management traditionnelles dans lesquelles le présentéisme et le lien de subordination tiennent une place de premier plan.
Aussi, pour éviter les dérives et frustrations du côté du salarié comme de l’employeur, il convient de bien encadrer juridiquement une telle pratique.
Le point sur la législation applicable sous forme de questions / réponses.
- Qu’est-ce que le télétravail ?
En France, le télétravail désigne une organisation du travail qui consiste pour le télétravailleur :
- à exercer, de façon régulière et volontaire, un travail qui aurait pu être effectué dans les locaux de l’employeur, hors de ces locaux
- en utilisant les technologies de l'information et de la communication (ordinateurs fixes et portables, Internet, téléphonie mobile, tablette, fax, etc).
Le télétravail peut s’effectuer soit au domicile du salarié, soit dans un lieu tiers (centre d’affaires, espace de co-working…). Il peut être occasionnel ou permanent.
Il doit être distingué du travail à domicile qui répond à une règlementation juridique distincte.
- Quels textes régissent le télétravail en France ?
Initialement encadré par un accord-cadre européen du 16 juillet 2002 qui a ensuite été transposé par l'Accord National Interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005[ii], le télétravail a été introduit dans le Code du travail par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012[iii].
Le cadre juridique du télétravail a enfin été complété par l'ordonnance n 2017-1387 du 22 septembre 2017[iv] qui a répondu à certaines problématiques non résolues par les précédents textes.
Le télétravail est donc actuellement encadré par les articles L 1222-9 et suivants du Code du travail[v] et complété par l’ANI du 19 juillet 2005.
- Comment mettre en place le télétravail dans l’entreprise ?
Le télétravail peut être mis en place dans le cadre :
- d'un accord collectif ;
- d'une charte élaborée par l'employeur après avis du CSE ou du CE ;
- ou, en l'absence d'accord collectif ou de charte, par un accord entre le salarié et l'employeur, formalisé par tout moyen.
- Quelles dispositions doivent être prévues dans l’accord collectif ou la charte sur le télétravail ?
L’accord ou la Charte doivent prévoir a minima les dispositions suivantes :
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- L’employeur peut-il refuser la demande du salarié de travailler en télétravail ?
En présence d’un accord collectif ou d’une charte, l’employeur peut refuser d’accorder le bénéfice du télétravail à condition de motiver sa réponse. Les motifs invoqués doivent être objectifs. A défaut, le refus pourrait être considéré comme discriminatoire et portant atteinte au principe d'égalité de traitement.
En l’absence d’accord collectif ou de charte, et hormis le cas du travailleur handicapé et du proche aidant, le code du travail ne prévoit pas d’obligation de justifier le refus. Toutefois, ce refus ne doit pas heurter le principe d'égalité de traitement ou se fonder sur des motifs discriminatoires.
- Comment l’employeur peut-il mettre un terme au télétravail dans l’entreprise ?
De nombreux accords collectifs ou chartes sur le télétravail prévoient une période d’adaptation (préconisée par l’ANI). Pendant cette période, chacune des parties est libre de mettre fin unilatéralement au télétravail moyennant un délai de prévenance préalablement défini.
Un fois ce délai passé, les conditions de retour à une exécution de travail sans télétravail doivent être prévues dans l'accord collectif ou la charte sur le télétravail : Il peut s'agir d'un délai de prévenance, du formalisme à adopter, de l'énumération des situations autorisant la fin du télétravail ou encore des caractéristiques du poste occupé dans les locaux de l'entreprise.
En dehors des situations visées par cette clause de réversibilité, l'employeur ne peut mettre fin au télétravail sans l'accord du salarié. Il s'agit d'une modification du contrat que le salarié peut refuser[vi].
- Comment le salarié peut-il mettre un terme au télétravail ?
Si le télétravail est soumis aux principes de volontariat et de réversibilité, pour autant, il n'est pas exigé par les textes légaux que le retour du salarié dans une situation sans télétravail soit automatique dès qu'il en formule la demande.
La seule exigence légale est que l'employeur est tenu de « donner priorité au salarié pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles ». Il doit être informé par l'employeur de la disponibilité de tout poste de cette nature et bénéficie alors d'une priorité d'accès à ce poste.
- Dans quels cas l’employeur doit-il participer aux frais engendrés par le télétravail ?
Depuis l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l'employeur n'est plus tenu de payer tous les coûts relatifs au télétravail.
Toutefois, l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail prévoit la prise en charge de ces coûts. Pour les entreprises qui relèvent de cet ANI, les coûts continuent donc à être pris en charge.
Cette indemnisation peut prendre plusieurs formes :
- Il peut verser une indemnité forfaitaire couvrant l’ensemble des frais engendrés par le télétravail (chauffage, électricité, internet, téléphone...) ;
- Il peut prendre en charge directement les frais liés au télétravail ;
- Il peut rembourser sur justificatif des factures de téléphone, internet…
Une indemnité d’occupation est due au salarié uniquement si l’employeur ne met pas de local professionnel à disposition du salarié[vii].
- Que se passe-t-il en cas d’accident du travail ?
Le télétravailleur bénéficie de la même protection contre les accidents du travail que les autres salariés. Si un accident survient sur le lieu où est exercé le télétravail pendant les horaires du télétravail, cet accident est présumé être un accident du travail, sauf à l’employeur de démontrer que cet accident était sans lien avec l’exécution du travail.
Article publié sur le blog de Consultation.avocat.fr
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